De Tamalous à Ali Charef

Ammar, 23 août 2016

 

« L’après-midi du 7ème jour, nous avons été libérées. Mais pour aller où ? Nous n'avions plus de chez-nous, plus de père, plus de maison, plus rien ! » Retrouver la liberté pour aller où ?

 

Ils ont demandé à ma grand-mère Drifa si elle aurait de la famille à Tamalous. Elle leur a dit : « J'ai un cousin commerçant ici, et il s'appelle Salah Chaouech ». C’est lui qui, avec Zahi Haddad, tous les deux de zeribet Derdar, collaborait avec l'administration française bien avant la guerre de libération. On les appelait wakafs, ou guetteurs, et ils transmettaient tous les renseignements sur les mouvements susceptibles de gêner l'administration française. Ce sont ces deux-là qui ont dénoncé, quatre jours à l’avance, l'offensive du 20 août 1955 sur Collo.

 

Salah Chaouech a été appelé et on lui a fait signer un papier, un engagement, pour qu'elles soient conduites au camp d'Ali Charef. Et on les a prévenus que toute autre destination serait fatale pour lui et pour elles.

 

Elles ont passé la nuit chez Salah Chaouech et, le lendemain matin, il les a fait monter dans un camion à destination de Kerkera, en insistant avec force pour qu’une fois arrivées à Kerkera elles prennent directement le chemin d’Ali Charef.

 

« Nous avons marché de Kerkera vers Ali Charef, raconte ma mère, en traversant l’oued El Guebli et en passant par Boulguartoum. Lorsque nous sommes arrivées à Tamaghast (c’est le nom de la colline qui sépare les Beni Mehenna et les Beni Toufout, la vallée de Latik), Aldjia Zeggari, toujours traumatisée par la torture et le rythme infernal des horribles interrogatoires, est sortie du groupe et elle a pris la route du maquis en s’enfonçant dans la forêt, à gauche de notre chemin, refusant catégoriquement d’entrer dans le camp et de subir d'autres tortures, interrogatoires et pressions psychologiques. » Ma mère Drifa est intervenue pour la ramener à la raison en lui disant : « Ma fille, si tu pars, toi tu pourrais t'échapper en rejoignant ton mari et les maquisards ; quant à nous, nous n’avons plus de chez-nous et ils vont nous tuer car nos noms ont été communiqués au camp d'Ali Charef. Et ainsi tu vas nous faire du tort et nous avons du mal à en supporter davantage. » Aldjia Zeggari s'est arrêtée et lui a répondu : « Tante Drifa, je ne veux plus les voir, ni être enfermée dans ce camp. » Après quelques dures et longues minutes de négociation, elle est revenue vers le groupe, et ensemble elles ont parcouru les 2 km restants.

 

Dieu merci, le 8 ou le 9 avril 1960, elles sont arrivées ensemble et aucune ne manquait à l'appel.

 

L’arrivée au camp d’Ali Charef n’était que le début d’un autre épisode plus long, plus dur et plus cruel, mais à ciel ouvert.