Avril 1961

4 avril 1961

 

Nous étions quatre en patrouille, à 22 heures, le long des rangées de barbelés, à l'intérieur du camp, du côté Nord, dans la direction de COLLO. Un harki qui marchait en tête ; j'étais en deuxième position, juste derrière lui. Il se retourne et me dit à l'oreille en pointant le doigt : «Fellouzes!». Je fais quelques pas : des coups de feu éclatent. Je lâche une rafale de pistolet mitrailleur et nous nous aplatissons tous les deux. Les deux autres remontent au poste. Un harki, qui ne faisait pas partie de la patrouille, est blessé au genou. Les coups de feu s'arrêtent et des soldats descendent aux nouvelles. Nous apprenons plus tard que j'ai blessé deux fellaghas. On m'a été dit par la suite que si j'avais ramené une arme, j'aurais été décoré : une arme vaut plus que la vie d'un homme !

 

7 avril 1961

 

Le sirocco souffle depuis un jour ou deux. C'est chaud, étouffant, nous nous traînons dans le camp. Nous avons pu faire une sortie à KERKERA : quelques magasins, deux ou trois Européens en civil. Cela m'a fait tout drôle, l'impression d'être un «sauvage» qui débarque dans un port occidental.

 

Nous sommes bouffés par les puces, jour et nuit.

 

Ce matin, le vent trop fort a attisé le feu et nos feuillées sont parties en fumée.

 

11 avril 1961

 

Il y a 2 jours, des femmes et des enfants du regroupement ont défilé avec en tête, l'une d'elles portant un épouvantail habillé en fatma. Tout le cortège chantait et dansait pour demander la pluie. Le lendemain, une vache a été immolée en offrande à Allah avec la même requête. Quelques heures plus tard, il pleuvait ! Depuis les averses n'arrêtent pas de tomber. C'est pénible de marcher dans cette mélasse. Pour les habitants, leurs cultures vont pousser.

 

Les femmes traient les vaches qui leur donnent environ de quoi remplir une boîte de petits pois d'un kilo.

 

Dimanche, chasse aux sangliers. Nous sommes partis à une quinzaine avec quelques civils du camp comme rabatteurs : 2 sangliers ont été abattus. Nous en avons gardé la moitié d'un et le reste est parti à la compagnie par hélicoptère : la chaleur et le manque de moyens ne nous permettent pas de faire autrement.

 

16 avril 1961

 

La moitié de sanglier nous a fait 5 repas : ce n'est pas rien avec le peu de ravitaillement que nous avons.

 

Un coucou a survolé le camp pour nous lâcher du courrier.

 

La nuit, c'est toujours l'éclairage à la bougie.

 

Les mouches continuent à nous envahir méchamment. Je demande des attrape-mouches à mes parents.

 

5 mai 1961

 

Nous sommes toujours mangés par les puces, elles sont légion... Comment font les habitants ?