La zerda de Sidi Achour

Un jour, des hommes du regroupement m'ont demandé l'autorisation de tuer des chèvres. Je n'ai vu aucune raison de refuser, et tout le monde s’est réuni autour d’une jonchée de feuillage, les femmes assises en silence, avec leurs enfants, les hommes débitant les carcasses et disposant, sur les feuilles étalées, autant de lots de viande qu’il y avait de familles, veillant à distribuer équitablement les beaux et les bas morceaux, la graisse et les os. J’avais demandé si on préparait une fête, mais je n'ai pas compris ce qu'on m'a répondu. Je me suis interrogé longtemps sur le recueillement et la gravité de cette assemblée.

 

Or j'avais pris deux photos de la scène. Elles sont datées du 29 septembre 1960 et je les ai emportées à Collo en 2007. Quand il les ont vues, Mohamed Saïdi et Tarek Touta ont paru étonnés et se sont mis à murmurer en arabe. Je leur ai raconté ce dont j'avais été témoin, et Tarek Touta m’a expliqué que c’était « la zerda », la fête du saint, la fête de Sidi Achour !

 

Pour un pays d'orangers, Algérie 1959-2012, p. 192